« Une entreprise familiale et un investisseur
international qui s’équilibrent »
Ojah rêve d’une révolution végétale mondiale
Près de 50 % des Belges ont mangé moins de viande en 2018 qu’en 2017, 7 % pas du tout et 9 % ont mangé végétarien au moins trois fois par semaine. On comprend aisément pourquoi le marché des substituts de viande explose. L’entreprise hollywoodienne en vogue « Beyond Meat » produit des burgers végétaux très médiatisés. Bien loin des caméras, l’entreprise néerlandaise Ojah a autant de mérite. Frank Giezen, managing director, rêve d’une révolution végétale mondiale, ni plus ni moins.
Ochten, un tout petit village pittoresque de la Gueldre, aux Pays-Bas, abrite un acteur d’envergure mondiale. C’est en effet là qu’est basée l’entreprise Ojah, qui réunit Beeter et Plenti, deux marques de substituts de viande de qualité. Les fondateurs, Frank Giezen, Jeroen Willemsen et Wouter Jansen, ont mis au point la technique appelée « High Moisture Extrusion » (extrusion à haute teneur en humidité) en 2009.
« Sous une pression et une température élevées, nous mélangeons de l’eau et de la farine de protéines d’origine végétale », explique Frank. « Oubliez le tofu ou les granulés aux plantes qui se disent “hamburgers”. En associant le frottement et le cisaillement, nous obtenons un produit dont la tendreté, la forme et la texture ressemblent à s’y méprendre à celles de la vraie viande. Quand je l’ai goûté pour la première fois, j’ai dit ces mots désormais légendaires : “La vache, on dirait du poulet ! (rires)” »
Un partenaire à notre goût
Ojah met tout en œuvre pour limiter l’empreinte écologique de son processus de production. L’entreprise était donc tout à fait « au goût » d’un entrepreneur durable tel que Korys, pour rester dans le vocabulaire alimentaire : « Faire en sorte que les gens remplacent les animaux par les protéines végétales : difficile de faire plus durable. Ce processus de production requiert, en effet, significativement moins de matières premières. Notre soja est, en outre, de fabrication européenne. Enfin, nous bannissons les pesticides et aménageons le bâtiment de notre entreprise dans une optique durable. »
Deux investisseurs en un an
Ojah s’inscrit donc dans le même esprit que Korys. En plus du caractère durable de l’entreprise, les Néerlandais connaissent une croissance étonnante : « 2017 fut une année charnière pour Ojah. Il était temps de passer du statut de start-up à celui de scale-up. Nous avons trouvé en Korys le partenaire rêvé pour sauter le pas. Dans la mesure où la société investit dans de nombreuses entreprises qui se trouvent dans la même phase, elle constituait le “sparring-partner” idéal. Nous avons donc troqué sans hésiter un actionnariat morcelé et deux investisseurs en capital-risque contre un actionnaire stable, doté d’une vision à long terme. »
Une nouvelle opportunité s’est présentée tout de suite après ce changement majeur. Le groupe irlandais Kerry Group, le leader mondial des ingrédients destinés à l’industrie alimentaire, a manifesté son intérêt pour cette entreprise prospère de la Gueldre. Quelques mois plus tard, la joint-venture était finalisée. « Avec Korys et Kerry Group, nous réunissons le meilleur des deux mondes », estime Frank. « Vu son caractère multinational, Kerry Group dispose d’un réseau commercial mondial et d’une mine de connaissances scientifiques. De son côté, Korys est une entreprise familiale pur-sang. Pas question de pomper les fonds d’Ojah pour revendre notre entreprise au plus vite en réalisant un bénéfice. Korys constitue un partenaire flexible et entreprenant à taille humaine, qui complète parfaitement une multinationale solide comme Kerry Group. »
Il était temps de passer du statut de start-up à celui de scale-up.
Des bienfaiteurs de haut vol
Le courant passe bien entre Ojah et Korys. Il faut dire que les deux partenaires appliquent une philosophie d’entreprise similaire : « Cela peut paraître bizarre de la part d’un Néerlandais, mais Ojah entreprend plutôt “à la belge” : nous sommes une entreprise à la fois ambitieuse et sociale qui accorde beaucoup d’importance au contact personnel et aux relations. Des traits de caractère que je retrouve chez Dries Crevits et Thomas De Kempeneer, les représentants de Korys au sein de notre conseil d’administration. Je suis en contact avec Dries au moins une fois par semaine. Il n’est pas question de contrôler ou d’établir un programme fixe. Non, il s’agit simplement de partager nos connaissances. »
Korys amène la confiance sur le plan financier et stratégique. Son assise financière contribue à l’élaboration et à la réalisation des business plans. Korys envisage, en outre, la situation dans son ensemble.
Animées par cet enthousiasme commun, Ojah et Korys entendent enclencher une révolution végétale mondiale. D’après Frank, Korys apporte la sérénité nécessaire dans le cadre d’un tel processus de croissance explosive : « Korys amène la confiance sur le plan financier et stratégique. Son assise financière contribue à l’élaboration et à la réalisation des business plans. Korys envisage, en outre, la situation dans son ensemble. Là où nous devons nous concentrer sur les détails de la production, Korys considère la chaîne de A à Z. Korys dispose d’un vaste réseau international, qui comprend des fournisseurs de matières premières et (bien sûr) des détaillants. L’entreprise nous a ainsi aidés à nous lancer en France. »
La vision de Dries
Sous la bannière « conscious consumer », Korys investit dans les marques grand public. Son idée de base ? Le consommateur d’aujourd’hui se soucie de sa santé, tient compte de l’impact sur l’environnement, attache une grande importance à la convivialité et aspire à vivre une expérience unique. Compte tenu de ces tendances de consommation, Korys cible l’ensemble de la chaîne : des matières premières durables au commerce de détail innovant, en passant par les biens de consommation.
Ojah incarne cette vision. « Ojah a une résonance internationale qu’on associe spontanément au soja. Mais elle évoque aussi le célèbre “Ojah-erlebnis”, clin d’œil au “aha-erlebnis”, ou “effet eurêka” », souligne Dries Crevits. « C’est exactement ce que j’ai ressenti quand j’ai rencontré les collaborateurs d’Ojah pour la première fois. J’ai entendu parler d’eux lors d’un congrès de start-ups dédié à l’alimentation, à Wageningue. De fil en aiguille, nous avons découvert qu’Ojah était en fait le moteur de multiples innovations fondamentales. »
Les premiers contacts ont été cordiaux. « Si Ojah a perçu notre sens de l’entrepreneuriat, nos personnalités se sont aussi bien accordées. Logique puisque nos organisations prônent toutes deux l’intégrité, la durabilité et l’ambition. »
Une ambition qui dope les ventes. Ojah affiche une croissance annuelle de 50 % depuis sa création. Sa stratégie claire n’y est pas pour rien : « Ojah n’est pas une marque qu’on trouve au supermarché. Pour se développer rapidement, les spécialistes de l’alimentation fournissent des ingrédients aux principaux fournisseurs de substituts de viande nationaux et étrangers. Il est, en effet, moins difficile de conclure un contrat avec le “numéro un” de chaque pays que de fonder sa propre marque. »